[Cours] Ennui mortel... (Pv)

Plus que quarante minutes…

Ludmilla, à moitié couchée sur sa table, se redressa un peu et jeta un coup d’œil aux alentours. L’amphithéâtre était bondé, mais curieusement ce jour-ci ne régnait pas le chaos habituel que faisait avec entrain la bande la plus populaire des premières années. Non pas qu’elle ne fût pas là ; la bande était bien au complet, avachie dans les rangs les plus hauts. Néanmoins la chaleur de ce brûlant mois d’avril semblait posséder un quelque effet soporifique, et seuls les intellos parvenaient à suivre le cours, tous agglutinés dans le bas de l’amphithéâtre, davantage pratique pour écouter convenablement le professeur.

Plus que trente-cinq minutes…

La jeune fille tourna son beau regard bleu vers le celui-ci, et ne put s’empêcher de sentir un élan de compassion pour cet homme vieux et moche, saucissonné dans son costume. Son énorme ventre menaçait de faire exploser les boutons de sa chemise à chaque seconde, et des auréoles de sueur de la taille des soucoupes de la cafétéria apparaissait sous ses bras gras. Avec une petite grimace dégoûtée, Ludmilla songea que l’odeur montait, n’est-ce pas ? Inconsciemment, l’étudiante retint sa respiration, comme si les effluves répugnantes de son professeur allait s’élever jusqu’à l’atteindre. Le pauvre homme soufflait comme un bœuf, et ressemblait à un porc ; ses comparaisons moqueuses divertirent quelques minutes la jeune fille, toujours affalée sur sa table de bois. Puis, elle s’ennuya de nouveau.

Plus que trente minutes…

L’étudiante se redressa complètement sur son banc inconfortable, et passa une main fine et diaphane dans sa flamboyante chevelure rousse. D’ailleurs, elle n’était pas la seule… Une autre de ses camarades, qu’elle avait aperçu plusieurs fois déjà dans les couloirs, arborait elle aussi une crinière rouge. Bien. Il était temps que Ludmilla se fît des amies, car depuis qu’elle était arrivée à Yale en cours d’année, elle n’avait pas eu l’envie de nouer une amitié avec quelqu’un. Pourquoi ? Etait-ce par timidité, par crainte d’aller vers les autres ? En réalité, la jolie étudiante n’en avait pas saisi l’intérêt, mais depuis quelques temps, elle s’ennuyait ferme, et la solitude commençait à lui peser. Et pourtant, ce n’était pas faute d’avoir tenté d’aborder Ludmilla ! Mais celle-ci avait toujours repoussé en douceur ces personnes qui n’étaient poussées que par l’envie de la bécoter lorsqu’il s’agissait de garçons, que par l’envie de côtoyer Ludmilla Dashwood et d’avoir une copine aussi originale.

Plus que vingt-cinq minutes…

Submergée par une vague d’ennui mortel, Ludmilla fouilla dans son sac de toile blanche en bandoulière quelque chose digne d’intérêt, et en sortit le nouveau Blond qui venait tout juste de sortir. Elle regarda furtivement la couverture, et examina le sommaire avec avidité.

Page 7 _ Shopping : Tendance rétro.

C’aurait été un magasin, Ludmilla se serait ruée à l’intérieur. Elle feuilleta donc avec vivacité son Blond jusqu’à la page sept, et lut l’article avec voracité, regardant avec convoitise les accessoires proposés. Ah, c’était décidé, une fois sortie de cet amphithéâtre étouffant, elle irait courir chez Boss Orange acheter ce joli petit bracelet sur lequel elle venait de flasher…

[C'est à toi ]

Myrielle avait beau être studieuse elle n'en était pas moins lassée, plus de la moitié de l'amphi n'écoutait pas le cours ce qui donnait envie à la rousse d'en faire autant. Elle soutint pourtant son attention uniquement par peur de louper un élèment important qui tomberait aux examens de mi-semestre. Elle fit crisser son crayon encore quelques minutes puis se relut, elle remarqua que le prof se répétait inlassablement et laissa tomber son crayon sur la table d'un air accablé. Elle n'aurait jamais dû choisir cette option...

Elle remarqua que sa voisine de droite (une rousse tout comme elle) était en train de lire un magazine, le petit lutin Mymy en fut un instant choquée, puis après réflexion trouva que c'était plus intelligent que de continuer à s'ennuyer comme elle le faisait. La rousse mutine déchira une feuille de son carnet et y laissa ces quelques mots :

"Hello, moi c'est Myrielle. Je remarque que tu lis un magazine, c'est lequel ?"

Et elle fit passer le petit papier à sa voisine avec un sourire. Myrielle était fashion, ça se voyait. Mais on pouvait aussi remarquer qu'elle était du type bohème, décalée, qu'elle aimait faire de la mode un truc qui lui ressemblerait totalement. Ce jour là elle portait une longue robe blanche ample à partir des hanches que Myrielle avait agrémentée d'un châle multicolore sérré à la taille. Aux oreilles elle avait mis des créoles et autour de son cou dansait des perles de toutes les couleurs. Myrielle n'était pas un canon mais elle était originale, elle ne passait pas inaperçu.

En attendant une possible réponse de sa voisine elle dessina des petits bonhommes sur sa feuille. L'un souriait, l'autre pleurait et le dernier s'ennuyait. Une bulle au dessus d'eux disait : cherchez l'erreur. Ce petit jeu terminé elle regarda l'heure... hum... un peu moins de 25 minutes. Quand on s'ennuie le temps ne passe pas.